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Elle se trouvait face à lui, plus grande, plus raide que ce qu'il s'était imaginé. La plus haute colline de la région, 653 mètres de hauteur. Le chemin menant au sommet était tortueux, un peu comme sa vie pensait-il. A certain moment une branche venait l'aider à avancer et lâchait aussitôt le faisait reculer de quelques pas, n'oubliant pas d'écorcher au passage ses mains, ses coudes ou se genoux. Il arrivait en haut encore plus meurtris qu'il ne l'était avant son ascension. Le sommet était étrangement plat et large d'au moins soixante mètres. Il n'aurait pu l'affirmer, il avait toujours été mauvais sur l'appréhension des distances. C'est d'ailleurs ce qui lui a valu de louper son permis la première fois. L'endroit était encore plus calme qu'en bas. Pas un souffle de vent ne venait le déranger. L'air était étrangement doux et il semblait se trouver au dessus des nuages. Contrairement à ce qu'il pensait, il n'avait aucun mal à respirer. Il n'en revenait d'ailleurs toujours pas d'avoir pu monter jusqu'ici. Il observait d'un coup d'œil furtif tout ce qui se trouvait autours de lui et s'arrêta sur ce banc. Il n'arrivait pas à comprendre comment il avait pu arriver jusque là, par quel moyen et surtout qui l'y avait déposé. Le pourquoi il s'imaginait que c'était pour pouvoir admirer la vue. Il est vrai que c'était probablement la plus belle vue qu'il était donné de voir un être humain dans ce vaste monde. Le paysage n'avait pas la même apparence d'ici. Tout semblait plus tranquille, innocent.

Il s'avança à l'autre bout afin d'admirer la vue et surtout la distance qui le séparait du sol. Même le plus grand cascadeur du monde sentirait son cœur se pincer s'il regardait en bas. Cependant, lui non. Il s'avait pourquoi il était là et il n'allait pas se mettre à avoir peur maintenant. C'était trop tard de toute façon. Tout était minuscule. Les arbres lui faisaient penser à des brindilles d'herbes et les quelques habitations à de gros rochers abritant de toute toute petites Fourmies à deux pattes. Il prit son sac à dos et le jeta. Il comptait les secondes que celui-ci mettait avant d'atteindre le sol. Malheureusement au milieu de sa chute le sac s'accrocha à une branche sortant de la colline. Edward semblait déçu. Il décida d'aller s'assoir sur le banc afin de profiter une dernière fois de la vue et d'en finir une fois pour toute. Le banc était impeccable, pas un seul grain de poussière ne s'était déposé dessus. Comme si quelqu'un venait tout juste de le nettoyer. Il sentait encore la peinture fraîche. Par réflexe il posa son doigt pour voir si c'était le cas ou si son imagination lui jouait un tour. Visiblement c'était sec. « Quelqu'un a du passé là quelque temps avant moi » pensait-il. De toute façon quelle autre raison pourrait-il y avoir. S'asseyant sur le banc, il respira un grand coup et ferma les yeux. Pour la première fois depuis une semaine, il allait pouvoir se reposer.

- Ne faites pas ça, ce serait une bétise !

Edward sursauta.

- Pardon ? il y a quelqu'un ?
- Oui moi ! Et je disais que ce serait dommage d'en arriver là !

Il s'essuya les yeux, secoua un peu la tête, se tourna et retourna plusieurs fois mais ne voyait rien. Rien qui pouvait ressembler à un être humain et ce ne pouvait pas être le banc qui parlait. Il se pencha sur touts les bords de la colline afin de voir si quelqu'un n'était pas caché ou autre. Mais encore une fois rien.

- Qui êtes-vous ? pourquoi je ne vous vois pas ?

Edward attendait une réponse mais rien ni personne ne lui répondit. Il pensa alors que se devait être l'effet de la fatigue mélangé à l'altitude qui lui donnait des hallucinations. C'était soit cette version soit celle qui l'annonçait comme officiellement fou. Autant dire que le choix n'était pas difficile.

- Je m'appelle Méliana et si vous ne me voyez pas c'est que vous ne regarder pas au bon endroit tout simplement.

Il sursauta une nouvelle fois. Se retournant et fermant les yeux il murmurait « je ne suis pas fou, je ne suis pas fou, je n'entends rien – rien du tout ! » Sans s'en apercevoir il commençait à respirer de plus en plus fort. Le stress s'emparait peu à peu de lui.

- Qu'est-ce que ça peut vous faire que vous soyez fou ? De toute façon vous avez décidé de sauter, donc dans quelque minute ou quelques heures ça ne sera plus votre problème ! Non ?

Surpris par cette réponse, Edward bafouilla

- Heu.. oui, non, enfin si ... Mais comment vous savez que je veux sauter ? Et puis vous êtes où à la fin ?
- Je le sais parce que toutes les personnes qui viennent ici ne le font que pour ça. Allez savoir pourquoi ? Il y a un magnifique paysage n'est-ce pas ? Ne peuvent-ils pas venir uniquement pour l'observer ?! Et tourner votre tête à gauche et descendez la jusqu'à votre épaule, vous me verrez.

Il ne s'attendait pas à cette deuxième partie de la réponse. Il tourna délicatement sa tête jusqu'à l'apercevoir.

- Vous ... vous ... êtes une .. une espèce de fée ?

Elle mesurait moins de dix centimètres, était de couleur rouge avec quelque petites taches noir sur le visage et sur le ventre. A première vu, on aurait dit une tête de bouc posé sur un corps d'hippocampe. Elle avait deux petites ailes ressemblant à celles qu'ont les dragons et des petites antennes sur le dessus de la tête. Sur son ventre se trouvait une sorte de poche luminescente. Elle mesurait l'énergie dont elle disposait avant de devoir retourner là haut au risque de mourir. Les mots « espèce » et « fée » n'avait pas l'air de lui avoir fait plaisir. Mais elle acquiesça d'un signe de tête.

- Si on veut...
- Okay ... donc je suis vraiment fou ... Il était temps que j'en termine, je sais pas dans quels emmerdes j'aurais pu me fourrer.
- Mais non vous n'êtes pas fou ! La preuve vous me voyez donc j'existe !

Ne trouvant pas sa réponse plus rassurante il la questionna.

- Ouè... admettons que vous existiez... et encore même un mec bourré aurait du mal à y croire... vous êtes qui au juste ?
- La gardienne de cet endroit. Comme je vous l'ai dit tous ceux qui viennent ici sont comme vous. Ils ont envie d'en finir. Pourtant certains ne sont pas prêts. C'est juste un sentiment ressentis qui les dépasse totalement, mais ils ne le pensent pas vraiment. Et moi je suis là pour faire en sorte qu'ils en prennent conscience afin d'éviter une tragédie. Vous seriez surpris de voir le nombre de personne qui ne saute pas finalement. Cependant, certains sont vraiment habités par l'envie d'en finir. Ils ont leurs raisons et je ne suis pas là pour les juger. Dans ce cas là je ne peux rien faire d'autre que de les accompagné jusqu'à la fin...

Edward se sentait complètement abasourdis par ce qu'il venait d'entendre.

- Donc si je résume vous êtes en quelque sorte un ange gardien ... mais aussi un ange de la mort c'est ça ? Etrange mélange...
- Si on résume ... alors oui en quelque sorte.
- Bien... ba vous savez vous pouvez repartir, je fais partis de ceux qui sont vraiment décidé à partir donc vous ne pourrez pas m'en empêcher ! Je suis désolé !

Méliana déploya ses ailes et alla se poster devant Edward. Ses deux petites antennes donnaient l'impression qu'elles se battaient en duel.

- Si c'est le cas pourquoi être venu jusqu'ici ? Il y a beaucoup d'autres façons de mourir, beaucoup plus simple et moins fatigantes que celle-ci.
- Haha vous faites fausse route ! J'ai déjà essayé beaucoup de chose. Malheureusement je n'ai jamais réussit à allez jusqu'au bout. Toujours quelque chose qui m'empêchait.
- Et vous ne croyez pas que c'est un signe ? Que cela montre que vous n'êtes pas prêt ! Que ce n'est qu'une excuse pour ne pas assumer votre vie ? Et puis ... vous êtes jeune. Vous devez avoir 30 ans à tout casser...
- 29 et 2 mois pour être précis. Et non je ne vois pas en quoi cela est un signe. Oui je n'assume pas ma vie et alors ? Où est le mal ? Fouttez moi la paix, laissez moi crever en paix. Je ne manquerais pas à beaucoup de monde.. en fait à personne ! Même mon boss m'aura trouvez un remplaçant au bout d'une semaine à peine !
- Et vos amis ?
- Mes amis ? je ne sais pas si on peu appeler ça des amis ! j'ai tout foiré ! J'ai foiré ma vie et je n'ai que 29ans ! Alors ne m'en voulez pas si je n'ai pas envie de voir ce que sa donnera dans 30ans !

Edward s'avança du rebord. Il commençait enfin un sentir le vent, le froid. L'air s'était énormément rafraichit ! Des frissons parcouraient son corps. Il regardait plusieurs fois le vide qui l'attendait.

- Pourquoi dites-vous que vous avez raté votre vie ?

Méliana tourbillonnait autours de sa tête. Elle attendait qu'il lui réponde. Il ne semblait pas vouloir lui faire ce plaisir. Il était concentré. Concentré sur son futur saut. Il cherchait la meilleure position, celle qui lui éviterait de trop souffrir même s'il le savait bien, à une hauteur pareil il n'y a plus aucun risque. Ses mains, ses jambes, ses lèvres se mettaient à trembler. Il commençait à ressentir la peur. Il n'osait pas la regarder. Il savait d'avance ce qu'elle allait lui dire et elle avait tort. Il était prêt ! Finalement d'une voix tremblotante il lui répondit. Elle semblait contente.

- Pourquoi je dis ça ? Je vis dans un studio miteux, entouré de voisins plus que bizarres, dans un quartier plus que dégueulasse qui donne l'impression que la municipalité a oublié qu'il existait. Il me faut quinze minutes à pied pour trouver le tout premier commerce ! Mon travail me dégoute, j'y vais à reculons chaque jour ! Le pire dans tout ça, c'est que j'ai un bon salaire. Dans n'importe quelle autre ville je pourrais trouver un meilleur endroit où habiter, malheureusement ici je ne peux pas ! Je dois faire un choix entre bouffer et habiter dans un endroit répugnant ou vivre dans un bel appartement et manger une tranche de salamis par jour ! Et je déteste le salami ! Ma famille ? Je ne la vois qu'une ou deux fois par an, trop honte de leur avouer ma véritable situation, je leur mens ! Mes amis ? Comme je l'ai dit c'est un bien grand mot ! « Connaissance » serait plus adapté ! Une sortie de temps en temps et c'est tout ! Je sais que je ne pourrais pas compter sur eux si j'allais mal...
- ...Comme aujourd'hui ?
- Oui ... enfin bref, je ne suis pas venu ici pour me faire psychanalyser ! En plus s'il fallait une preuve de plus pour prouver qu'il est l'heure, elle est juste là ! Je me mets à parler à une sorte de fée. Il n'y a que dans les contes que ça existe ! Et mon âme d'enfant je l'ai perdu il y a bien longtemps déjà !

Edward s'amusait à se balancer d'avant en arrière de plus en plus fort, comme pour se donner bonne conscience. S'il tombait sa ne serait pas de sa faute... juste un accident, une maladresse. Le vent se mettait à souffler de plus en plus fort, rendant son petit jeu encore plus risqué. Méliana semblait énervé ! Elle savait qu'il lui manquait quelque chose ! Elle le voyait très bien, il n'était pas prêt ! Il ne devait pas mourir comme ça. Elle n'avait jusque là jamais échoué dans sa mission et elle ne comptait pas le laisser être le premier ! Soudain elle eu une sorte d'illumination. Elle l'interrompait ce qui semblait l'agacé.

- Tu as omis de me parler d'une chose ?
- Ha bon ? quoi encore ?!
- Tu m'as parlé de ta famille, de tes « amis » mais rien du côté des sentiments ! Tu n'as pas de petite amie ?
Il serra sa mâchoire. Elle le voyait très bien, c'était le sujet sensible.
- Non ... pas depuis cinq ans ! Ayè contente ? je peux sauter où je dois signer quelque chose pour en finir une bonne fois pour toute !?
- Elle s'appelait comment ?
- Lise ...
- Il s'est passé quoi ?
- Non ... je crois qu'on s'est pas bien compris ! Au cas où tu ne l'as pas remarqué je suis occupé là ! On en reparlera une autre fois okay ? Enfin pour ça faudrait un miracle ! Lise c'est du passé et je vais bientôt le rejoindre ! Alors merci de te soucier de moi, faut pas maintenant salut !

Edward respira un grand coup. La regarda avec un air d'exaspération. Il leva la tête, passa ses bras autours de son coup et souriait. Cela semblait l'étonné. Il se retourna pour la regarder une dernière fois et sauta. Méliana ne pu empêcher un cri sortir de sa bouche. Elle ne savait pas quoi faire ! Elle ne voulait pas échouer. Pas avec lui... surtout pas. Il se laissait tomber doucement. Il se sentait mal à l'aise, ne sachant pas comment se mettre. Le vertige se faisait de plus en plus grand et plus il s'enfonçait plus il avait l'impression que son cœur allait lui ressortir par la bouche. Il le sentait remonter avec une force impressionnante. Elle savait qu'il passait à côté de quelque chose... Ne prenant la peine de réfléchir aux futures conséquences de ses actes elle se concentra et l'arrêta. Il stoppa net sa course dans le vide. Il écarta grand les yeux ne comprenant ce qui se passa. Il regardait autours de lui et ne voyait rien qui pouvait l'empêcher de continuer sa chute. Elle s'approcha de lui. Il comprit alors.

- Quoi encore ?
- Dis moi ce qui c'est passé !
- Mais rien ... il ne s'est rien passé ! On était ensemble depuis nos 18ans, on vivait ensemble depuis quatre ans et tout ce passait bien. Je venais de terminer mes études et j'avais trouvé un travail qui m'intéressait dans l'architecture. Elle était toujours interne à l'hôpital. On avait trouvé un beau petit appartement près d'un parc dans lequel on aimait bien faire nos footing ensemble lorsqu'elle trouvait le temps... Et puis un jour sans me donner aucune raison mis à part un mot avec dessus « Je suis désolé. Je t'aime » elle est partit ! Depuis je n'ai plus eu aucunes nouvelles. Ses parents m'ont toujours certifiés qu'ils n'en avaient pas non plus. Et voila c'est comme ça depuis cinq ans ! J'ai du déménager ne pouvant plus vivre dans cet appartement seul, changé de travail après m'être fait viré pour « faute professionnel ». Ceux que je pensais être mes amis m'ont tournés le dos du jour au lendemain. Mais ça n'était pas une surprise, ils étaient plus proche de Lise que de moi et m'ont jugés responsable de son départ...

Une larme naissait le long de son œil droit. Il essayait de la retenir. Il avait déjà assez pleuré durant ces dernières années. Aujourd'hui et pour la première fois depuis longtemps il se sentait libre. Il n'attendait qu'une chose, qu'elle le libère.

- Une dernière chose... Son nom de famille ! quel est-il ?
- Heuu... Lise Key. Pourquoi ?

A son nom, Méliana ferma les yeux et donnait ainsi l'impression qu'elle recherchait quelque chose. En même temps apparaissait devant les yeux stupéfaits d'Edward un étrange rectangle noir qui peu à peu laissait apparaitre des images. Sa gorge se resserra et son cœur s'accéléra. Il la reconnu tout de suite. Elle n'avait pas changé. Peut-être une petite ride et un air triste qu'il ne lui avait jamais connu en plus ainsi qu'une nouvelle coupe de cheveux, mais c'était tout. Elle était la même que lorsqu'elle était partis. Son cœur se pinça lorsqu'il aperçut à ses côtés un enfant.

- C'est pour me montrer qu'elle a refait sa vie que tu me fais endurer tout ça ? Tu veux me prouver quelque chose ? Parce que là c'est raté !
- Non ... regarde ! Regarde autours d'elle.

Il s'exécuta et scrutait les moindres détails. Pas un seul élément ne laissait penser qu'un homme vivait avec elle. Au contraire. Il s'attardait un peu plus sur l'enfant. Il était brun avec des cheveux bouclé, comme lui étant plus jeune. Il avait les yeux verts de sa mère caché derrière de petites lunettes rondes. Sa peau était mate comme la sienne. Il avait des origines antillaises du côté de sa mère uniquement. Il semblait dérouté. Elle le voyait et semblait contente d'elle.

- Il.. qui est... quand ?
- Il a bientôt cinq ans. Et pour ma part je trouve qu'il te ressemble étrangement beaucoup.
- Non.. non c'est impossible ! Elle me l'aurait dit ! Pourquoi elle me l'aurait caché ??

L'écran redevint noir quelques instants avant de faire apparaitre de nouveau une image. Méliana commençait à perdre de la force. L'endroit avait changé mais il lui semblait familier. C'était là où ils vivaient tout les deux, cinq ans auparavant. L'image remontait à cette époque. Elle était assise sur le canapé depuis près de deux heures, un test de grossesse sur la table. Il indiquait un petit « + ». Elle pleurait. Rangeant le test dans sa boîte d'origine puis dans un sac plastique soigneusement placé au fond de la poubelle, elle se dirigea vers la table à manger. Elle sorti du tiroir un bloc note et un crayon. Ses mains tremblotaient, elle n'arrivait pas à écrire correctement ce qu'elle voulait. Finalement après plusieurs essaies elle arriva à écrire ceci :

Mon chéri,

Toutes ses années passées à tes côtés ont été plus que merveilleuses et j'espère tellement en vivre encore et encore. Jamais je n'aurais imaginé trouver la bonne personne aussi rapidement alors que certains mettent presque toute une vie pour la trouver. Tu remplis mon cœur de bonheur chaque jour un peu plus, à un point tel, que moi-même je n'avais jamais pensé possible. Petit à petit nos projets ont vu le jour laissant place à de nouveaux ne demandant qu'à suivre le même chemin. Malheureusement quelque chose que nous n'avions pas prévue, vient quelque peu entacher ces plans. Je suis enceinte Edward. Je sais que tu as toujours voulu être père et je pense savoir ce que tu dirais. Pour ma part, tu connais mon avis sur la question. Je ne me suis jamais senti l'âme d'une mère et surtout pas maintenant. J'ai encore quelques années d'interna à faire et toi tu commences tout juste à toucher un bout de ton rêve. Nous ne sommes pas prêts, c'est trop tôt.

Tu vas trouver ça stupide, mais depuis tout à l'heure je ne fais que de pleurer. Pour la première fois j'ai l'impression que ma vie m'échappe, que j'en perds son contrôle. Je m'en veux un peu quand je sais le mal que certaines personnes se donnent pour avoir « la chance » d'être dans mon cas. Je ne sais plus quoi faire, j'ai besoin de réfléchir. Ne m'en veut pas mais je ne veux pas recevoir de pression venant de ta part. Je sais qu'elles seraient involontaires mais j'ai besoin d'y réfléchir sans contraintes. Je m'en vais quelques jours chez mon amie d'enfance Camille. Je t'en avais parlé quelque fois. Elle habite dans le Jura, cet air me changera les idées. Je te laisse son adresse et le numéro de téléphone où tu pourras me joindre derrière cette lettre. Mais s'il te plait, attends deux, trois jours avant. Je pense y rester deux semaines. Désolé de partir comme une voleuse, mais tu me connais les décisions prisent sur un coup de tête j'en suis la Reine.

Je mets la lettre dans notre boîte à secret. Je sais que tu iras la chercher ici en premier. Désolé encore de prendre ces « vacances » aussi précipitamment et de ne pas t'avoir concerté avant. J'espère que tu ne m'en voudras pas. Je t'aime tellement mon amour. A dans deux semaines. Elles vont me paraitre terriblement longues.

Merci de me faire confiance et ne t'inquiète pas pour moi.

Je t'aime

Ta Lise.

PS : Tu peux prévenir l'hôpital et mes parents ? Je n'en ai pas le courage. Je t'aime.

Lise se leva et sans s'en rendre compte fit tomber sous la table un des brouillons sur lequel elle s'était entrainé à écrire. Dessus était inscrit « Je suis désolé. Je t'aime ». Rangeant la lettre dans la boîte, elle prit soin de la déplacer un peu afin qu'il la remarque plus rapidement et alla faire sa valise.

L'écran redevenait noir. Il semblait horrifié. Il se souvenait avoir fouillé touts les endroits de la maison, cherchant une raison à son départ, mais jamais l'idée de regarder dans leur boîte ne lui était venue à l'esprit. Enfin si, plusieurs fois même, mais pas dans cet optique. De plus il ne l'avait jamais fait redoutant la confrontation avec tous ces souvenirs.

- Mais pourquoi... pourquoi est-ce qu'elle n'est pas rentrée ??
- Elle n'a reçu aucune nouvelles de ta part. Elle à crût tout d'abord que tu ne voulais pas de l'enfant puis finalement que tu lui en voulais d'être partis comme ça et de ne pas t'en avoir parlé avant. Elle a essayée de t'appeler plusieurs fois mais raccrochait avant que tu n'ais le temps de répondre. Elle s'est persuadée que tu ne voulais plus entendre parler d'elle et est restée chez son amie. Elle n'en a jamais rien dit à ses amis. Ses parents quant à eux t'ont mentis. Elle leur écrit chaque année une carte. Mais elle leurs a demandée de ne jamais te le dire si un jour tu les interrogeais.
- Mais c'est n'importe quoi ! Jamais je ne lui aurais voulu à ce point et surtout pour ça ! Jamais je n'aurais souhaité qu'elle disparaisse de ma vie !! Elle est tout pour moi et elle le savait très bien... depuis tout ce temps... Tu me caches autre chose ! Ce n'est pas possible autrement !
- Non... non ! je te le promets.

Méliana avait de plus en plus de mal à parler et à le maintenir au dessus du vide. Son énergie était presque rendu à son minimum. Elle s'affaiblissait de minutes en minutes.

- Tout ça à cause d'une erreur, d'un malentendu.
- Je suis désolé ...

Edward craqua. Tout son corps tremblait. La peur s'emparait enfin de lui. Il se savait perdu, il savait qu'il venait de faire probablement la plus grosse erreur de sa vie et qu'il était trop tard pour la réparer. Il regarda Méliana d'un air désespéré. Elle s'était complètement affaiblie ne pouvant plus le retenir. Sans le vouloir elle se déconcentra un court instant, le laissant ainsi continuer sa chute. Attristé il paraissait cependant apaisé. Plus que quelques secondes et tout ceci serait enfin fini. Il en profitait pour regarder une dernière fois les paysages autours de lui. Jamais ils ne lui avaient paru aussi beaux et amères à la fois. Le voyant s'approcher encore un peu plus du sol, elle ne pu empêcher un nouveau crie de sortir et une larme couler le long de sa petite joue. C'était la première fois qu'elle pleurait pour quelqu'un. Plus que quelques mètres avant le terrible dénouement. Elle ferma les yeux aussi fort qu'on puisse le faire, comme lorsque l'on sert le poing quand on est énervé. Son énergie s'était tellement affaiblis qu'elle devait se résoudre à faire un choix. Une autre larme coula et un nouvel écran noir fit son apparition.

Des chuchotements le réveillèrent. Ils venaient de la cuisine. Le réveil indiquait 10h passée. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas aussi bien dormis, malgré un rêve étrange. Se frottant les yeux, il se remémorait la veille. Il s'avançait dans le couloir en prenant le temps de s'attarder sur chacune des photos. Chacune ayant son histoire il souriait. Les chuchotements se faisaient de plus en plus forts. L'odeur qui filtrait la pièce faisait grogner son ventre. Avant d'ouvrir la porte, il essaya tant bien que mal de coiffer ses cheveux tout ébouriffés. La lumière passant par les petites lucarnes situées au bout du couloir l'éclairait tout du long. Cela laissait présager une bonne journée. Il ouvra la porte.

- Bon anniversaire papaaa !
- Merci mon trésor.

Mathias, dix ans, lui sauta dans les bras prenant le temps au passage de lui offrir son cadeau. Il le déballa avec attention. « C'est moi qui l'ait choisit et emballé ». C'était une petite maquette d'une maison à construire. « Comme ton travail ! Hein papa ?! » Lise lui souriait rougissant en même temps. Elle avait déjà partagé ses cadeaux avec lui la veille. Le tout premier était une nuit mémorable qu'elle lui avait réservée. Pour ce faire, après un merveilleux diner préparé par ses soins, elle s'était habillé du bel ensemble acheté pour l'occasion, qui était tout aussi agréable à regarder qu'à enlever. Ils se seraient crû dix ans auparavant. Retrouvant la fougue de leur jeunesse. Jamais la passion ne les avait emmenés aussi loin. La douche qui suivit ne fit que confirmer l'état second dans lequel ils se trouvaient tout les deux. Le deuxième était plus inattendu. Il était précieusement gardé dans une petite boîte. Ne sachant pas à quoi s'attendre, il l'ouvrit tout doucement. Elle se mordillait la lèvre inférieure. La boîte contenait un bâton avec dessus un petit « + ». La nouvelle les avait mis dans un nouvel état d'euphorie. Cela faisait un petit moment qu'ils essayaient. Le temps passant, ils commençaient à douter. Cette nouvelle ne fit que prolonger leur longue nuit.

Tout les trois étaient réunis autours de la table à manger. En même temps qu'Edward tentait avec son fils de construire la maison, il échangeait des regards complices avec Lise. Il savait la chance qu'il avait de les avoir à ses côtés. Il n'aurait pu imaginer meilleure vie. Dehors le soleil régnait en maître. En face, au pied du grand chêne dans le parc, tombait délicatement deux petites ailes...
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Elle était encore derrière la porte. Pas un bruit ne sortait de la pièce dans laquelle elle se trouvait. Cela faisait un peu plus d'une heure qu'elle s'était enfermée dans la salle de bain – sans raison apparente. Finalement le son du robinet coupa le silence. Elle semblait se faire couler un bain. Il tenta de lui parler à travers ce long rempart mais sans succès. Aucun retour. Il n'en était pas certain, mais il lui semblait entendre quelques sanglots. Ce n'était pas la peine de lui demander ce qui se passait, il s'en doutait. Il s'asseyait le long du mur, la tête entre les mains, réfléchissant.

Elle ouvrit l'un des placards. Elle prit son parfum. C'est celui qu'il prenait lorsqu'il avait à un événement important. Il avait l'impression que ce parfum lui portait chance même si son odeur n'était pas forcément dès plus agréable. Son père en mettait, il a pris la relève. C'est ce parfum qu'il avait lors de son entretien d'embauche pour le poste de ses rêves, lors de leur premier rendez-vous, lors de la finale de coupe de France de Basket avec son équipe favorite – sport dont elle n'a jamais compris l'intérêt et dont elle aimait bien se moquer lors de matchs, lors de leur fiançailles... Elle en aspergea la pièce et ferma les yeux. Elle repensait à tout. De nouvelles larmes coulaient le long de ses joues. L'eau chaude du bain commençait à envahir la pièce de sa bué. Sur l'un des miroirs elle dessina une tête sans expression. Un visage, des yeux aussi rond que des billes, un petit nez, des oreilles tout ce qu'il y a de plus normal, pas de cheveux ni de lèvres. Elle entra dans son bain non sans difficulté. L'eau bouillante retenant sa précipitation. Mais c'est comme ça qu'elle les aimait. Il a toujours eu du mal à l'accompagner, mais le faisait quand même. L'un de ses moments d'intimités que l'on aime partager et faire durer. Le long de la baignoire ces épaules frissonnaient, le rebord étant froid. C'est à cet endroit que ses bras se trouvaient d'habitude. Elle regardait le tabouret disposé au coin de la porte. Il était là, dans son impeccable costume. Il en était fier de ses costumes. Un fantasme de gosse qu'il avait.

- Je me demandais si tu allais la trouver un jour, lui dit-il.
- Pourquoi ? Pourquoi maintenant ?

Ses yeux ne le voyaient pas vraiment – trop flous. Il ne bougeait pas. Il était à sa place. C'est là qu'il se mettait avant de la rejoindre dans le bain. Il aimait bien prendre son temps avant. La regarder se déshabiller, jouer avec les quelques bulles de savon, la faire languir... Sa façon à lui de faire monter l'excitation. Ça marchait. Il ne s'était pas encore rasé. Ça lui donnait un petit côté sauvage. Elle n'avait jamais été contre, au contraire. Il l'a regardait avec son regard, ce regard. Celui qui ne voulait rien dire et tout dire à la fois. Il souriait.

- Je ne sais pas. Tu me connais j'ai toujours aimé anticiper... Quand je l'ai écrite je ne savais pas si tu allais la lire un jour. Je ne l'espérais pas... Son regard avait changé mais son petit sourire restait. Ou du moins pas encore.
- Mais ce que tu as écrit ... j'ai pas envie ! Tu entends ? J'en ai pas envie ! Elle commençait à se laisser submerger par ses émotions. C'est trop demander merde ?

Elle s'enfonçait dans l'eau. Elle avait fermé les yeux un peu trop tard, le savon les lui piquait. Elle tentait de retenir sa respiration. Elle remonta à la surface et recommença une nouvelle fois. Mais sans les fermer cette fois ci. Elle l'attendait. C'est ce qu'elle faisait à chaque fois pour le faire bouger de son tabouret. Ça fonctionnait. Au dessus d'elle, malgré les étranges ondulations de l'eau, elle semblait l'apercevoir. Il souriait toujours. Il savait qu'elle ne tenait jamais plus de trente secondes et pour ce qu'il avait calculé, il lui en restait moins de dix.

Quelqu'un frappa à la porte. Elle ne semblait pas avoir entendu. Il décida d'aller ouvrir espérant qu'à son retour elle serait sortie de la salle de bain. Il descendait les marches discrètement. C'était un livreur. Il avait un paquet destiné à Mme Swoan. « Mme ... » il fixait cette appellation avec insistance. Le livreur manifestait son impatience. Finalement il signa le reçu et referma la porte. Vu la taille du paquet, ce devait être le fameux cadeau pour son neveu, commandé sur internet. Elle était fière de son choix. Tellement qu'elle ne voulait dire à personne ce que c'était. Des voix sortaient de la salle de bain. Mais elles ne lui étaient apparemment pas destinées. Il remonta tout de même. Il allait poser le colis sur sa chambre et en profiter pour prendre quelques affaires. Il s'arrêta toutefois quelques instants devant la porte de la salle de bain afin d'essayer d'écouter ces voix. Cependant il n'entendait plus rien, comme si elles s'étaient tuent exprès. La chambre était à semi-ouverte. Le lit n'était toujours pas fait, les rideaux n'étaient pas ouverts, ses affaires n'étaient pas rangées et un tas de vêtements s'empilait. Les albums photos étaient sortis. Il hésita à en regarder quelques une puis finalement son regard se détourna sur une lettre posée sur la table de chevet. Il posa le cadeau sur une chaise, entre un pull et une veste. Plus il s'approcha de la lettre plus son cœur battait. Il avait l'impression de toujours l'entendre parler. Son cœur s'accéléra, ses mains tremblaient. La curiosité pris le pas sur la raison. Il commença à lire la lettre. Sa gorge se nouait. Son cœur battait toujours aussi fort mais il lui semblait pourtant qu'il tentait de s'arrêter. Peut-être voulait-il exploser. Un bien pour un mal. Au fur et à mesure qu'il lisait la lettre, tout s'éclairait.

- Et avec Nathan ? lui demanda-t-il toujours avec ce petit sourire.
- Quoi Nathan ? Qu'est-ce qu'il vient faire là ? Elle semblait totalement déstabilisée.
- Rooh voyons tu sais très bien ce que je veux dire...

Ses larmes recommençaient de nouveau à couler. Elle n'arrivait plus à le regarder en face. Elle tentait une nouvelle fois de retenir sa respiration sous l'eau.

- C'est un bon garçon. Tu peux lui faire confiance. Il sera pour toi tout ce que tu mérites de mieux. Je le sais ...
- Mais pourquoi tu me parles de lui merde ? Je m'en fou ! Okay ? A chaque mot prononcé sa voix déraillait.
- C'est faux ... Il souriait encore. Et c'est normal ! Ma chérie ... ça va faire un an déjà ! Je suis mort. Mort ! Il est temps que tu passes à autre chose ...
- Mais c'est toi que j'aime ! Pas lui !
- Tu en es sûre ? Tu n'as pas à te sentir coupable ! Je connais Nathan depuis qu'on est môme. Tu ne peux pas avoir mieux. Lorsque l'on s'est rencontré, c'est lui déjà qui te voulait en premier. Je sais qu'au fond, malgré les années c'est toujours toi qui comptais pour lui. Je le voyais à sa façon de te regarder. Je sais qu'avec lui tu pourras être heureuse, même plus qu'avec moi ! Et je ne veux pas que tu loupes cette occasion ... à cause de moi ! Je t'aime Lily. Mais il est temps pour toi de tourner la page.

Elle tentait de cacher le son de sa voix en restant sous l'eau. Pourtant elle comprenait exactement ce qu'il lui disait. Elle se remémorait les moments forts de cette année écoulée depuis sa mort. A chaque fois Nathan était là pour elle. Il l'a toujours été. Elle savait qu'il avait raison. Elle essaya de se rappeler le plus de moments possible et commença à sourire à son tour.

Une larme coulait. La dernière fois qu'il avait pleuré c'était déjà à cause de lui, lors de son enterrement. Il savait que la lettre lui était aussi indirectement adressée. Meilleurs amis depuis l'âge de dix ans. Ils en avaient traversés des choses ensembles : Les petites combines chez l'épicier, les jours de match de l'équipe de la ville, leur terrain vague, le décès de sa mère à seulement douze ans, les années collèges puis lycées, les sorties en disco, leur voiture, les filles, la fille... la fille. Une fille pour deux. C'était Léo qui avait réussit à atteindre son cœur. Il ne lui en voulait pas, il savait qu'il la rendrait heureuse. Il n'a jamais réussit à avoir de vrai relation sérieuse avec une autre. Au fond il pensait toujours à elle. Il était son témoin lors de leur mariage. L'un des jours les plus durs de sa vie. Il savait qu'à partir de là il devait sa résoudre à l'idée qu'elle ne serait jamais sienne. Mais comme toujours il était heureux pour lui, pour eux. Son meilleur ami lui manquait. De nouvelles larmes coulaient. Il s'en voulait. Il avait l'impression de le trahir. Il s'était promis d'abandonner pourtant il ne pouvait pas. Il était toujours amoureux d'elle. Mais elle... contrairement à ce qu'il écrit dans la lettre, elle ne semblait pas être prête à se lancer dans une nouvelle histoire, encore moins avec lui. Il reposa la lettre et redescendit les escaliers. Il prit une feuille, un crayon et écrivit un mot lui étant adressé. Il se retourna. La porte de la salle de bain ne semblait pas être ouverte, les mystérieuses voix ne cessaient pas. Il baissa les yeux, franchit le seuil de la porte et partit.

- Tu vois ... j'avais raison n'est-ce pas ? lui demanda-t-il en souriant.
- Mais.. mais ... Elle bredouillait. Je suis désolé ...
- Pourquoi ? Au contraire ! Je suis content pour toi, pour vous. Vous méritez tout les deux d'être heureux, et vous avez suffisamment pleuré à cause de moi !

Il prenait ça à la rigolade. Comme tout ce qu'il faisait. Elle était sûre qu'il aurait aimé que son enterrement soit une vrai fête et non un ... enterrement. Elle était sûre qu'il voulait que les gens rient en se remémorant le passé plutôt que se morfondre sur son pauvre sort.

- Je t'aime Léo... et je t'aimerais toujours...
- Je sais ... moi aussi ! Mais il est temps pour toi de le retrouver.
- Oui... merci !

Il la regardait sortir de la salle de bain. Elle ne le vit pas mais son sourire disparût. Il avait finit ce qu'il considérait comme sa « dernière mission ». Il prit un grand souffle et disparaissais lentement.

Elle allait dans la chambre. Elle pensait l'y trouver. Elle ouvrait les rideaux, le soleil se trouvait pile en face sa fenêtre l'éblouissant ainsi quelques instants. Elle fit alors quelques pas en arrière aveuglé par la lumière et tomba sur son lit. Elle découvrait le paquet. Elle regarda instinctivement sa table de chevet. Elle n'en était pas certaine mais il lui semblait que la lettre avait été déplacée. Tout dans sa tête s'entremêlait : les mots de la lettre, son comportement envers lui ces derniers temps, son comportement envers elle, lui, les souvenirs, ses sentiments... son cœur s'accélérait. Elle descendit à toute allure les escaliers encore en serviette, espérant le trouver dans le salon ou dans la salle à manger. Elle ne trouva qu'un petit mot de sa part.

« Trop dur de faire semblant. J'ai toujours été là pour toi et je le serais toujours. Mais il y a un moment où tu vas devoir faire un choix : Avancer ou continuer à vivre dans le passer. Appel moi si tu as envie de moi dans ton futur sinon ... je ne sais pas... Je t'aime. Nathan. »

Ses mains tremblaient. Il ne savait pas s'il devait regretter ce mot ou au contraire en être satisfait. Beaucoup de choses allaient changer maintenant. Mais il lui était impossible de savoir si cela allait être en bien ou en mal. Le soleil l'aveuglait. Ça faisait longtemps que le temps n'avait pas été aussi beau. Pas un seul nuage à des kilomètres. Il cherchait ses lunettes de soleil dans la boîte à gants. Au même moment son téléphone retentissait. Il préféra répondre plutôt que de les prendre. C'était elle. Ses mains tremblaient encore mais il en était sûr, c'était pour une bonne raison. Il souriait. A peine avait-il ouvert son téléphone qu'une voiture sortant de nulle part arrivait en face.


- Asseyez-vous les enfants !


Lundi matin – 8h45. Le soleil commence à montrer le bout de son nez au coin de la cour de récré. Celle-ci est recouverte d'un léger voile blanc matinal. Les tracés de la marelle, les cordes à sauter, la table de ping-pong profitent de leurs derniers instants de repos en cette fin de week end et début de semaine. Le grand portail vert grince. C'est un élève de CM1 retardataire accompagné par sa mère qui entre dans cette école. Il ne le sait pas encore, mais elle lui manquera bien souvent plus tard. A cet âge on ne sait pas profiter de ce qui nous ait offert...

Dans la classe, les enfants rangent leurs crayons de couleurs et mandalas dans leurs petits casiers au fond de la classe. Le coin lecture n'a pas encore été dérangé mais ça ne saurait tarder. La petite bibliothèque regorge de livres dont tous les élèves sont fans : « J'aime Lire » - « Okapi » - « Astrapi » et de nombreuses histoires de pirates, princesses, souris qui parlent... Tous les vendredis après midi des CM1 ou CM2 viennent dans la classe et leur lisent une histoire. C'est l'un des moments préférés de cette classe de CE1. Ils attendent ce jour avec autant d'impatience que les sorties à la patinoire. Pourtant dans cinq minutes leurs jeunes vies vont être bousculées.

Leur classe se trouve à côté de celle de Mme Gelaub. Elle s'occupe des CE2 et d'après les sons qui traversent le mur et les témoignages de grands frère et grandes sœurs, ce serait un tyran. Tous les jours les élèves ont le droit à une dictée et toutes les deux semaines ils doivent apprendre et réciter une poésie. Autant dire que la jeune classe n'est pas pressée de la rencontrer. Elle approche de la retraite et chaque année on l'a dit partante. Peut-être auront-ils la chance de tomber sur la bonne année.

Les élèves finissent tous de s'installer. Bizarrement aujourd'hui, la voix de Mme Gelaub, si perçante habituellement n'est pas perceptible. Seuls quelques valeureux chuchotages et quelques toussotements se font entendre. Un rayon de soleil fait son entrée dans la pièce, obligeant Elodie la maitresse, à se lever et fermer le rideau. La couleur bleu marine de celui ci en harmonie avec la couleur jaune de la salle, donne une impression d'étouffement. Elodie ne s'en était jamais rendu compte. Il faut dire que le soleil ne se pointe jamais de ce côté ci d'habitude. L'atmosphère se fait pesante, pourtant elle semble être la seule à s'en rendre compte.

- Vous êtes tous là ?

Elodie se racle la gorge et respire un grand coup. Elle se sent étouffer. Assise à son bureau elle est face à une vingtaine de petites têtes blondes, brunes, rousses, coiffées en pétard avec une tonne de gel pour certains, pas coiffées du tout pour d'autres et pour quelques filles des petites coquetteries dans les cheveux avec un mélange de barrettes multicolores à fleurs et d'élastiques. Ces petites têtes vont de pairs dans trois rangés de quatre tables. Certaines bavardent entre elles, d'autres essaient discrètement de grappiller quelques minutes de sommeil en plus, d'autres encore dessinent au crayon de bois sur la table. Lily, la petite chatte, mascotte de la classe vient de se poser sur l'un des rebords des longues fenêtres. Personne ne sait réellement à qui elle appartient, mais depuis le début de l'année, elle vient ici tous les jours et regarde la classe vivre au rythme des cours de français, mathématiques, musiques... Et tous les jours, un élève différent de la classe lui donne un bol de lait et des croquettes qui sont le fruit des petits dons des parents voulant faire plaisir à leurs enfants. Lily fait sa toilette matinale sans se soucier des regards qu'on lui porte. Aujourd'hui c'est au tour de Nathan de s'occuper d'elle.

- Maitresse ! Nathan il est pas là ! C'est qui qui va donner à manger à Lily ? demande Marie.

Marie c'est l'amoureuse de Nathan depuis le CP. Ils se sont déjà fait des bisous sur la bouche mais c'est un secret. Elodie regarde la place vide au fond de la classe. Il est très doué en dessin pour son âge. Sa table en témoigne. Il se fait d'ailleurs régulièrement gronder par Elodie. Sa gorge commence à se nouer. Elle regarde une nouvelle fois toutes ces petites têtes et en cherche une plus particulièrement.

- Les enfants ... j'ai une mauvaise, une très mauvaise nouvelle à vous annoncer. Nathan est parti !

Les yeux de Marie viennent de s'ouvrir laissant place à deux grosses billes. Elle ne semblait pas être au courant. Les oreilles de Lily se mettent à s'agiter, comme si elle semblait subitement intéressée par la conversation. Marie lève la main afin de pouvoir parler.

- Mais il est parti où ? Moi il m'a pas dit ça ! Moi il a dit qu'il allait voir sa mamie à la mer ! Même qu'il a dit Nathan que j'aurais un cadeau !

Elodie sent ses joues devenir de plus en plus rouge, ses yeux se floutent peu à peu et sa voix commence à trembler. On ne l'a jamais préparé à ça.

- Arnaud tu te rappelles où il est maintenant ton chien ?
- Oui il est au paradis des chiens !

Marquant une pause, son cœur s'accéléra.

- Et bien, Nathan est désormais au paradis des enfants...
- Mais il est pas vieux ! Il peut pas y être ! répondit aussitôt Arnaud.

Tous les regards se croisent et se recroisent dans la classe. L'agitation commence à se faire sentir. Personne n'est sûr d'avoir réellement compris ce que leur maitresse venait de dire. Nathan, leur copain depuis la grande section serait mort ? Non c'est pas possible ! Arnaud a raison, il n'est pas assez vieux ! Marie, elle, n'a pas bougée. Elle fixe sa trousse. En réalité ce n'est pas la sienne mais celle de Nathan. Ils se les étaient échangés. Voyant la réaction de ses élèves, Elodie commence à expliquer ce qui c'était passé.

- Vous savez les enfants, on n'est malheureusement pas obligé d'être vieux pour... partir. Mais vous savez là où il est, il est surement très heureux.
- Mais ça n'existe pas le paradis des enfants ! s'exclama alors Julien !
- Si il existe ! lui répondit Arnaud. Mario est au paradis des chiens alors pourquoi Nathan a pas droit d'aller au paradis des enfants ?!
- Taisez-vous !!!!! cria Marie. Nathan est pas au paradis ! il est chez sa mamie il me l'a dit ! T'es qu'une menteuse Elodie ! Menteuse ! Menteuse ! Menteuse ! Menteuse ...

Marie commence à pleurer et tout le monde la regarde sans savoir quoi faire. Ils ont tous envie de pleurer aussi, cela se lit sur leurs visages mais ils ne veulent pas ou n'y arrivent pas. Nathan c'était le blagueur de la classe, il faisait toujours le pitre mais c'était aussi le premier de la classe. Il est paradoxalement l'élève que l'on aime détester. Lorsqu'Elodie devait le gronder elle le faisait toujours à contre cœur, mais elle savait qu'elle devait le faire. Elle aussi à envie de pleurer mais elle se retient. Elle se rapproche de Marie et s'agenouille pour se mettre à sa hauteur. Elle lui donne un mouchoir.

- Non Marie je ne suis pas une menteuse... Nathan est bien allé voir sa mamie. Mais il a eu un accident...
- Non ... c'est mon amoureux et il a dit qu'on allait se marier ! Regarde son dessin !
- Je sais Marie... Je sais que ce n'est pas facile... Mais tu sais là où il est, au paradis des enfants il est surement très heureux. Il va pouvoir dessiner tous les jours partout, car là bas il aura le droit. Mais toi, tu as le droit de pleurer. Ça fait du bien ...
- Elodie ?! ça veut dire que Nathan ne va pas revenir ? demande alors Lucie
- ... Non ! Jamais les enfants. Je suis désolé !

Et à cet instant, un par un les enfants commencèrent à verser tout d'abord une larme puis deux, puis trois jusqu'à ne plus pouvoir les compter. Elodie ne sait pas trop comment gérer la situation. Elle aussi voit des larmes quitter ses yeux. Elle ne peut plus les retenir. Jamais elle n'aurait pensée faire face à ça. Elle essaie de les réconforter comme elle peut. Mais si elle n'arrive pas à se réconforter elle-même comment pourrait-elle faire avec 21 enfants ? Quelqu'un frappe à la porte. Elle invite les enfants à dessiner ou aller lire ou même simplement parler entre eux. C'est Mme Gelaub. Elle avait aussi prévenu sa classe. La grande sœur de Nathan se trouve dans sa classe habituellement. Mais elle n'est pas venue aujourd'hui, elle n'y arrivait pas. Elle en a profité pour expliquer aussi la situation à « ses » enfants.

- Tu vas bien ?
- Bof ... Pourquoi c'est toujours plus dur que ce qu'on imagine ?
- Parce qu'on essaie involontairement de se cacher sous une coquille espérant ne pas se laisser submerger par cet ouragan.
- Oui... et plus on essaie d'empêcher l'ouragan de nous emporter avec lui plus on y met de la force. Et lorsque ça lâche on ne contrôle plus rien...
- Je n'aurais jamais imaginé ça pour ma dernière année ici... Tu veux que je te remplace le temps que t'aille souffler un peu ? Les miens sont plutôt calmes là, je leur ai mis un film. Je peux m'occuper des tiens en attendant !
- Je veux bien ... merci !

Elodie s'essuie les yeux sous ceux compatissants de sa collègue. Finalement elle n'a pas l'air si méchante que ça, pense Jessie qui avait écoutée un peu la conversation. La classe est partagée entre ceux qui sont effondrer et ceux qui s'efforcent de faire bonne figure. Le casier de Nathan est tout en désordre. Quelqu'un à l'air d'avoir fouillé dedans cherchant quelque chose en particulier. Le bureau de Marie est tout aussi dérangé.

- Elodie ... ? Tu peux donner ça à la maman de Nathan pour qu'elle le donne à Nathan après ? demande alors Marie
- Oui bien sur ! Qu'est-ce que c'est ?
- ... Un dessin !



Le 3 décembre 2008

Mon Zachary,

Déjà 7 mois que j'ai déménagée... tu me manques tu sais ?! T'as intérêt à dire que moi aussi je te manque !!! Ta dernière lettre m'a énormément fait rire. Merci beaucoup j'en avais bien besoin. C'est vrai que ce moment était très drôle, même si j'ai honte de l'avouer je ne m'en souvenais plus jusqu'à ce que t'en fasse référence. J'espère pouvoir revivre d'autres moments comme ça avec vous, avec toi. Je vais peut-être bientôt revenir le temps de quelques jours... Mais ceci n'est pas encore sur donc je ne veux pas lancer de fausse joie au risque d'être déçu.

Tu sais tout est différent ici... Comme je te l'ai dit dans ma précédente lettre, dès notre arrivée les gens du voisinage, nous regardait tous très bizarrement comme si ils nous en voulaient d'avoir pris la place de quelqu'un d'autre. Aujourd'hui ça ne s'est toujours pas améliorer ! Personne ne m'adresse la parole dans le quartier. Lorsque je vais au lycée tout le monde m'ignore ou parle dans mon dos... j'en ai marre tu ne peux pas savoir à quel point. J'aimerais tellement tous vous retrouver ! Qu'est-ce que je peux maudire mon père et sa putain de mutation ! Même mes parents ne se sentent pas bien ici ! Tous les soirs je prie pour que mon père démissionne et qu'on s'en aille le plus rapidement possible. Tu veux bien faire quelque chose pour moi ? Tu peux prier toi aussi ? Merci...

Désolé de mettre tant de temps à répondre à tes lettres. Ça me fait mal parfois de me dire que les seuls moyens qu'on a pour se parler sont les courriers et les coups de téléphones. Ça me manque de ne plus pouvoir entrer dans ta chambre à tout moment de la journée ou de la nuit, de ne plus me faire de soirées tv – corn flakes avec toi, nos fous-rire, nos pique-niques sous la pluie... J'espère que tes parents vont bien au fait ?! Tu leurs diras bonjour de ma part. Je suis désolé si cette lettre est courte, mais à l'heure où je t'écris il est 1h26 et je suis fatigué. Je sais tu vas te demander pourquoi je ne suis pas déjà couché ?! Je ne sais pas, j'ai peur de m'endormir en ce moment, peur de faire un cauchemar et d'y rester...

Tu me manques,

Je t'aime mon petit Zach ...

Ta chipie de Louise.


Ps : Merci pour ton petit cadeau. Je n'en reviens pas que tu t'en sois souvenu, sa me touche beaucoup.
Ps 2 : Vivement notre prochain Superman Vs Catwoman...



Trois mois que je n'ai plus eu de nouvelles après cette dernière lettre. Tous les matins lorsque je passais le seuil de la porte je fixais la boîte aux lettres espérant y trouver le soir un courrier m'étant adressé. La distance est une souffrance immense. Ne pas savoir ce qui se passe dans la vie de l'autre, ne pas pouvoir être présent dans les moments où ça ne va pas, la sensation d'être inutile... et le pire de tous : la remise en question ! « Est-ce que j'ai dit ou fait quelque chose de mal ? » Cela faisait trois mois que je me torturais l'esprit. Pourtant je savais que ce n'était pas ça ! Nous ne nous étions jamais quittés fâché et avec son caractère elle me l'aurait dit !

Assis sur le rebord de ma fenêtre je regardais les gouttes de pluie couler le long de celle-ci. Seule le bruit des gouttes s'abatant sur le toit de la maison résonnait dans ma chambre. J'ai toujours détesté les dimanches ! Pourquoi les facteurs ne travaillent pas ce jour là ? Ils ne se rendent pas compte que l'effet de l'attente peut être insupportable au bout d'un moment. Peu de voitures passaient dans ma rue ce jour là. Normal. Redescendant je retournais m'allonger sur mon lit. Les bras croisés derrière ma tête, je regardais le plafond et les deux vieilles affiches de comics qui y étaient accrochées : Superman et Catwoman. Nous pouvions rester là toute la nuit à les regarder et à inventer des histoires. Repensant à quelques un de ces moments, je me mis à sourire.



Le 16 décembre 2008

Ma tendre Louisette, (haha avoue que ça fait classe)

Bien sur que oui tu me manques ! Parfois en classe je passe plus de temps à regarder cette foutu place vide qu'à écouter le cours. Tout nos moments ensemble me manque... d'ailleurs j'ai prié comme tu m'as demandé ! J'espère que ça marchera. J'ai même prié pour que ce soit l'un de mes parents qui soit muté dans la même ville que toi ! Mais bon n'étant pas croyant j'ai peur que cela fausse la donne. Tu ne m'en veux pas ? De toute façon afin d'essayer d'égaliser nos chances, dimanche dernier je suis allé à l'église ! Pff qu'est-ce qu'il fait froid là dedans, j'suis sur que ce « Dieu » ne verrait aucune objection si on y installait un grand radiateur à l'intérieur ! J'ai même donné 5€ lors de la quête ! Ils ont intérêt à en faire bon usage !

J'aimerais tellement être avec toi et pouvoir péter la gueule à tous ces cons qui se permettent de te critiquer sans te connaitre. Je te vois déjà sourire. Mais bon évidemment avant j'aurais fait un peu de musculation ! D'ailleurs si tu étais là, tu me prendrais pour un fou. Tous les soirs je fais deux séries de 25 pompes et 100 abdos. Je ne sais pas ce qui me prend ... mais en tout cas tu peux être sur que je serais prêt pour me les faire un par un ! Et au pire si je finis à l'hôpital, on rejouera au docteur comme lorsqu'on avait 6 ans ! Tu te rappelles ? Une fois pour être vraiment malade j'avais laissé ma fenêtre ouverte toute la nuit et dormis torse-nue. Et toi, le lendemain, t'étais venu m'apporter les devoirs à faire et pendant que ma mère préparait le gouter tu m'avais fait une sorte de massage cardiaque et un bouche à bouche. Qu'est-ce que j'aimerais revenir à cette époque...

Vivement que tes parents installent internet chez toi pour que l'on puisse passer plus de temps à se parler. J'ai tellement de chose à te raconter qu'une simple lettre ne suffirait pas. D'ailleurs tu sais quoi ? Tim à une copine. Oui oui Timothy ... Bon sa copine n'est pas terrible, il pourrait avoir mieux mais sa fait plaisir de le voir enfin avec quelqu'un. A quand mon tour ? En même temps depuis la rentrée deux filles m'ont proposés mais j'ai toujours refusé. Je ne sais même pas pourquoi, elles étaient mignonnes pourtant. Oui tu peux le dire je suis un boulet. De toute façon j'ai déjà réservé ma chambre auprès des moines au cas où ...

Je dois te laisser, ma mère appel pour qu'on aille manger. Pizza ce soir ... je t'en garderais bien une part mais bon en ce moment je mange pour trois. J'ai rêvé de toi cette nuit, c'était spécial ...

Tu me manques tellement.

Mille baisers partout – Je t'aime.

Zach.

Ps : De rien pour le cadeau. Dès que je l'ai vu j'ai pensé à toi.
Ps 2 : Non en fait j'en ai pas de ps 2 mais c'était juste pour faire comme toi.




Des larmes coulaient le long de sa joue. Elle regardait défiler le décor. Les yeux mouillés et la vitesse l'empêchaient de percevoir distinctement les paysages. Elle était passée des centaines de fois par là par le passé mais elle était incapable de dire où est-ce qu'elle se trouvait. Cela faisait plusieurs jours qu'elle ne dormait plus et les marques de ces cernes n'en étaient que les malheureux témoins. Chaque petite secousse l'empêchait de fermer les yeux. L'expression de son visage donnait l'impression qu'elle dormait les yeux ouverts. En l'espace de trois mois elle avait pris dix ans... L'une des secousses de la voiture fit tomber un objet de la banquète arrière. Elle le ramassa et le regarda attentivement. C'était Zachary qui le lui avait offert. Ses larmes ne cessaient de couler. Il détourna son regard de la route un instant le temps d'une caresse sur sa joue et de lui prendre la main. Les siennes tremblaient. La lenteur des essuies glace contrastait avec la vitesse de la voiture. Depuis trois mois le temps s'était comme arrêté.

« - Plus tard je me verrais bien enseignante dans le primaire comme Mme Buchet. Tu te souviens d'elle ? Elle était géniale comme professeur. Tous les matins on faisait des mandalas, les vendredis après midi on chantait et elle était vraiment intéressante lorsqu'elle nous faisait cours. La seule époque où j'étais contente d'aller à l'école. Et toi t'as une idée de ce que tu voudrais faire ?
- Je sais pas ... J'aimerais bien travailler dans le journalisme, pouvoir faire des reportages un peu partout dans le monde. Mais j'adorerais pouvoir créer ma propre entreprise. Je ne sais pas encore de quoi mais sa serait sympa.
- Tu crois qu'on se parlera toujours ? Enfin je veux dire... t'as pas peur qu'on prenne des chemins différents et qu'on s'éloigne petit à petit l'un de l'autre?
- On n'a pas été séparé depuis qu'on a 3ans... je me fais pas de soucis ! »


Ce temps maussade a toujours été favorable aux coups de blues chez moi. Je continuais à me remémorer différents moment passés ensemble. Je n'avais pas besoin de les chercher bien loin, ils affluaient par centaine, comme si la source était inépuisable. Un bruit venant de la rue me fit revenir à moi. C'était une portière qui venait de claquer. Je bondis de mon lit et m'avança vers la fenêtre. Je reconnu la voiture du premier coup. C'était la même que lors de leur départ. Lorsque la sonnette retentit mon cœur s'accéléra. Je reconnu la voix. C'était la mère de Louise. Excité par leur retour je courrai jusqu'aux escaliers. C'était bien elle. Du haut des escaliers j'essayais d'entendre ce qu'elle disait à ma mère. Je n'ai pas eu besoin de rester longtemps pour comprendre ce qui se passait. Elle n'arrêtait pas de sangloter et alors que son mari était venu la rejoindre, Louise n'arrivait toujours pas. Je restais figé. J'étais comme dans une sorte de bulle, tout ce qui m'entourait me semblait si lointain. Le regard dans le vide, j'assistais à la scène sans vraiment comprendre ce qui se passait. Les parents de Louise pleuraient, les miens aussi étaient sous le choc. Elle et moi avions grandis ensemble. Je vis sa mère donner un carton à mes parents. Je tremblais. La gorge serré, les yeux rouges je ne pouvais rester plus longtemps. Je suis retourné dans ma chambre complètement perdu. Je ne voulais pas y croire. Me réinstallant devant ma fenêtre je la cherchais désespérément au fond de la voiture. Mais je ne vis que cette place vide. La même qu'en classe sauf que cette fois ci il n'y avait plus aucun espoir pour qu'elle revienne. C'est lorsque que je me mis face à cette réalité que j'ai craqué. Au même moment ces parents remontèrent dans leur voiture et repartirent.

Ma mère déposa un peu plus tard le carton près de ma porte. Elle m'avait vu en haut des escaliers et savait que ce n'était pas la peine de rentrer, cela n'aurait servit à rien. Le carton contenait pleins de photos d'elle, de nous deux, de toute la petite bande, des cd et dvd lui appartenant ou m'appartenant et qu'elle ne m'avait jamais rendu, plus tout un tas de bric à brac. Chaque objet me rappelait un souvenir. Au dessus de cette pile se trouvait une lettre. Sa dernière. Elle n'avait pas eu le temps de me l'envoyer. Je suis resté enfermé dans ma chambre presqu'une semaine avec pour seul compagnie ce qu'il me restait d'elle. Elle était ma meilleure amie et à 18 ans on ne s'imagine pas possible de la perdre aussi tôt. Ma mère m'apprendra plus tard que Louise aurait fait un arrêt cardiaque durant son sommeil.



Aujourd'hui j'ai 28 ans, une femme Caitlin et une petite fille de huit mois ... Louise. Je suis finalement journaliste dans un magazine consacré au cinéma. Je n'ai jamais eu le courage d'ouvrir sa lettre et je ne sais pas si je l'aurais un jour. C'est la seule chose qui me reste réellement d'elle. Sur mon bureau se trouve deux petites images, l'une de superman et l'autre de Catwoman. J'attends toujours cette nouvelle partie...



Le 29 décembre 2008

Mon petit Zachounet, (Vengeance !)

C'est trop gentil d'avoir prié aussi. Je suis sûre qu'à nous deux on va y arriver. Toi faire de la musculation ? Huum j'aimerais bien voir ça « Mr j'ai la flemme de bouger mes fesses du canapé pour prendre la télécommande ». Cela veut dire que tu as de beaux petits abdos maintenant ? C'est intéressant tout ça... Mais bon malgré ça, je pense qu'on sera obligé de rejouer au docteur. Tu te rappel de tellement de chose c'est incroyable. Mais dans ta lettre tu as oublié de préciser la partie où tu m'avais refilé tout tes microbes après... mais bon c'était notre premier bisou, c'était mignon quand même.

Tiens cette fois c'est moi qui me rappel de quelque chose lorsque nous étions petit. Tu te souviens de la fois où j'avais jeté de la purée dans les cheveux de cette peste d'Amélie à la cantine parce qu'elle faisait que de te coller ? Comme punition je devais recopier soixante fois « Si je veux que les autres me respecte je dois d'abord commencer par les respecter ». Tu m'avais proposé de recopier la moitié de ma punition. Sauf qu'on n'avait pas prévu que la surveillante remarquerait que ce n'était pas la même écriture. Du coup on a dû chacun recopier la même phrase soixante fois et en plus nettoyer la cantine pendant une semaine. C'était chiant mais qu'est-ce qu'on avait bien rigolé cette fois là avec les batailles d'éponges. C'est fou le nombre de chose qui se sont passé en primaire... ensuite quatre ans d'ennuie séparé par deux collèges différents, heureusement qu'on n'habitait pas loin pour pouvoir se voir. Et enfin deux années au lycée de nouveau ensemble et toujours plus proche. Géniale... Au départ de cette anecdote j'étais partis pour rire et voila que maintenant ça m'attriste. Ça me manque.

Han au fait comme j'ai pu oublier ! J'ai une très bonne nouvelle ! Lors des vacances de février je reviens te voir pendant deux semaines ! Alors prépare de quoi occuper nos journées et nos nuits, on a beaucoup de temps à rattraper...

Pfff je ne sais pas écrire de lettre, y a rien d'organisé... je serais jamais une bonne secrétaire. Tu te rappel dans ma dernière lettres je te parlais vaguement de mes problèmes des sommeils et de ces cauchemars... c'est de pire en pire. Alors que je dors je sens mon cœur battre super fort comme s' il allait exploser et mes yeux ne veulent plus s'ouvrir. Je suis plongé dans le noir et j'ai l'impression que quelque chose m'agrippe afin de m'emmener avec. Tu vas trouver ça bête mais je n'ose plus fermer les yeux le soir de peur de ne plus pouvoir les ouvrir le lendemain...

Je te laisse je vais prendre ma douche. Tu m'accompagnes ? Au fait raconte-moi ce rêve ! C'était comment ? Je veux tout savoir dans les moindres détails !

Je t'embrasse – Je t'aime

Louise

Ps : Si tu te fais moine je me fais sœur ! Sa te tente ?
Ps 2 : Envoi moi une photo de tes « abdos » que je rigole un peu.
Ps 3 (j'innove) : Bonne année en avance !


La nuit l'accompagnait. Elle apparaissait de plus en plus tôt ces derniers jours - veille de l'hiver. Il remonta le col de sa veste, réajusta son écharpe et s'avança de façon nonchalante. Le froid aussi était de nouveau là et accompagnait les épais nuages gris. Il leva la tête plusieurs fois, lui donnant ainsi l'impression de caresses glacées. Des flocons de neige venaient de temps en temps se poser délicatement sur son visage et sur son long manteau noir. De chaque côté de l'allée se trouvaient deux vieux lampadaires ayant du mal à encore assumer leur raison d'exister. Il n'osait regarder autour de lui, le sombre paysage ne le rassurant pas. Les branches des arbres dénudés faisaient savoir leur tristesse, se heurtant les une entre elles ou contre le muret. Le vent soufflait sa mélancolie par moment, faisant grincer le portail probablement aussi vieux que les lampadaires et se laissant ouvrir et fermé violement ou calmement selon son humeur. Elle était là. L'apercevant, son cœur glacé commença à s'accélérer, faisant monter en lui une sorte de mauvaise euphorie. Ses yeux cernés caractérisant la fatigue accumulée de ces derniers jours et défiant l'air glacial s'humidifiaient un peu plus à chaque pas fait. Elle se trouvait juste dessous l'un des lampadaires. Elle rayonnait encore. Il s'arrêta un instant, reprenant son souffle, repensant à tous ce qui c'était passé. Il s'avança de nouveau vers elle, essayant tant bien que mal de reculer en même temps, voulant éviter à tout prix cette confrontation tant redouté. Il ne pouvait regarder en sa direction et préférait marcher tête baissé. Ses pieds laissaient une trace de leurs passages sur la petite couche de neige rejoignant ainsi les dizaines d'autre tout autour. Il était là, face à elle. L'espace de quelques secondes la nature s'était tue, comme pour leur laisser cet instant, le dernier. C'est là qu'elle reposait depuis l'accident. Il déposa quelques roses noirs, ses préférés, aux côtés de différents bouquets et s'effondra. C'était la première fois qu'il venait la voir, c'était la première fois qu'il pleurait. Il sortit de sa poche une petite bouteille de vodka déjà bien entamé. Il bu une gorgé, grimaçant au passage et commença à lui parler. Son absence de réponse lui faisait de plus en plus mal. Il s'excusa de n'être pas venu plus tôt, ne pouvant affronter la réalité, il s'en voulait de n'avoir pu assister à ces funérailles même s'il en était dans l'incapacité, il s'excusa de ne pas être avec elle à cet instant... Rapprochant une nouvelle fois la bouteille de sa bouche, il ferma les yeux et repensa à ce jour...

C'était le mardi 11 novembre 2008. Après s'être sacrifié pendant plus d'un an, ne prenant aucunes vacances durant l'été, ils avaient mis de côté assez d'argent pour s'offrir le voyage dont ils rêvaient tous les deux en Inde. Elle voulait, le temps de quelques jours, retrouvé ses origines. Les deux premiers jours s'étaient très bien déroulés - retour dans son village natal et visites des alentours étaient au programme. Pourtant ce paisible retour aux sources est vite devenu un cauchemar. En plein après midi, et en l'espace de seulement quelques heures un terrible ouragan, ayant déjà sévit mortellement quelques kilomètres plus loin, s'est abattu sur la ville où ils se trouvaient. Les autorités n'avaient pas eu le temps de prévenir la population. L'ouragan nommé Elisa avait un œil large de près de 23km et ses vent pouvaient atteindre 230 km/h. Au large, les vagues atteignaient 7 mètres de haut. Tout ce qui se trouvait sur son chemin ne pouvaient résister. Les voitures s'envolaient, laissant prisonniers certains passagers encore à l'intérieur, les toitures des maisons lorsque ce n'était pas les maisons elles mêmes s'émiettaient petit à petit, laissant flotter dans l'air de terribles débris fauchant les passants les plus malheureux, les rues voyaient dangereusement l'eau s'infiltrer en elles, emportant tout et faisant des centaines de victimes.

Il ouvra les yeux. Sa bouteille était fortement agrippé à sa main ou peut-être était-ce le contraire... l'alcool et les souvenirs étaient tout ce qui lui restait à présent. Ayant eu un malheureux regard il tomba sur ce qui était écrit sur la pierre tombale : Nilâ Hantz ; 1982 – 2008. 26ans c'était trop tôt pour mourir. Il parait que lorsque l'on se prépare à défier la mort, on voit les moments les plus forts de notre vie défiler devant nous. Ce n'était pas le moment pour elle d'y faire face pensait-il énervé envers lui-même et le monde entier. Son prénom, d'origine indienne comme sa mère, signifie « Clair de Lune » Il leva la tête et la chercha derrière ces épais nuages gris. Elle était là, sous forme de croissant.

Pris de panique, tous les deux se trouvaient dans une voiture d'emprunt à la sortie de la ville. Malheureusement un bouchon les empêcha d'aller plus loin. Ils pouvaient apercevoir des centaines de personnes affolées courant, criant, pleurant dans les rues, cherchant à s'échapper tout en sachant qu'elles n'y arriveraient pas. Certaines en profitaient même pour piller les maisons abandonnées. Les klaxons rugissaient avec rage, comme si les conducteurs pensaient que plus ils appuieraient et plus vite la situation se décoincerait. Tout à coup, sortant de nulle part, une violente vague les happèrent. La voiture fit de terribles tonneaux, heurta différents obstacles et s'arrêta le long d'une route. Nilâ et Adam étaient sonnés, tous s'était passé si vite. La voiture se trouvait sur le dos et tous les deux étaient coincé à l'intérieur. Ils se répétaient sans cesse que ça allait bien se passé, qu'on allait venir les sauver, qu'ils s'aimaient... La dernière chose dont il se souvenait c'était de son visage ensanglanté et de son regard terrifié. Emporté par l'ouragan, une autre voiture lancée à plus de 100 km/h vint heurter leur véhicule...

Ses larmes glacées lui faisaient de plus en plus mal. Depuis des jours il refaisait le même cauchemar, il ne pensait qu'à ça, qu'au dernier regard qu'elle lui avait porté. Il regarda sa bouteille, bu les dernières gouttes et la balança plus loin. Heurtant une autre tombe, elle éclata en dizaines de morceaux de verre. Le vent soufflait de plus en plus fort, les gouttes de pluie remplaçaient les flocons, rendant les allés boueuses et effaçant les traces de pas. Un éclair faisait son apparition. Il sortit de sa poche un paquet de cigarettes - Il commençait tout juste à fumer, comme s'il cherchait à se pourrir le plus vite possible et ainsi pouvoir la rejoindre plus rapidement. Il l'alluma avec difficulté, le vent donnant l'impression de ne pas vouloir lui laisser ce plaisir, éteignant à chaque fois la flamme sortant du briquet. S'asseyant à côté d'elle et posant sa tête contre la pierre, il expira.

Il se réveilla deux semaines plus tard. Deux semaines passées dans le coma. Il avait l'impression de ne plus sentir ses jambes, autours du coup il portait une minerve et de nombreux bandages venaient s'ajouter un peu partout sur son corps. Lorsqu'il ouvra les yeux, c'est son frère qu'il vit. Il était venu d'Amsterdam, ville dans laquelle il travaillait, dès qu'il avait été mis au courant. Leurs parents étaient décédés lorsqu'Adam n'était encore qu'un pré-adolescent. Il était sa seule famille. Il lui demanda fébrilement ce qui c'était passé ne se rappelant plus de rien. Heath, commença à tout lui raconter tout en essayant de ne pas être trop brusque. C'est alors qu'Adam lui demanda où était Nilâ. Cherchant à éviter son regard, il lui expliqua que son corps n'avait pas été retrouvé, qu'il s'était mystérieusement envolé mais que vu l'état de la place où elle se trouvait il n'y avait aucune chance qu'elle ait survécu. Adam ferma les yeux et ne parla plus jusqu'à son retour. Son frère l'avait hébergé quelques jours, le temps de récupérer et il retourna chez lui en France. Le répondeur ainsi que la boîte aux lettres étaient saturés. Un mot des parents de Nilâ lui indiqua l'endroit où était installée une pierre tombale en sa mémoire. Il n'arrivait plus à dormir et passa ses journées seul, reclus et buvant. Il n'est jamais retourné dans leur chambre jusqu'à aujourd'hui.

L'orage grondait de plus en plus fort, faisant voler les quelques bouquets. Il se releva avec difficulté. L'effet de l'alcool commençait à agir sur lui. Au moment de dépasser le portail, une femme entra. Elle semblait tout aussi perdue que lui et il ne pouvait détacher son regard de sa silhouette s'enfonçant petit à petit dans l'obscurité. Son taxi était toujours là. Il lui avait demandé de l'attendre. Le chauffeur s'était pris d'affection pour lui, partageant sa peine. Il lui demanda si tout allait bien. Adam lui répondit d'un signe de la tête et monta dans le véhicule. Il resta muet durant tout le trajet comme à l'aller. Par la vitre, il regardait les rues défilées. L'ambiance de noël y était bien représentée, tout était décoré pour l'occasion. Gorge noué, il pensait... Arriver devant son appartement, le chauffeur refusa qu'Adam le paie. Dehors le vent ne s'était pas atténué. Il baissa la tête et tenta d'avancer. Un crie au loin le fit sursauter. Il semblait être le seul à l'avoir entendu. Les autres personnes paraissaient trop préoccupées par leurs achats de noël et leurs propres problèmes. Il les regardait avec tristesse, voyant ces couples, jeunes ou plus vieux, heureux. C'était la première fois qu'il ne fêterait pas noël. Cependant, il sourit, cela faisait longtemps. En effet, de l'autre côté de la rue, un homme se battait lui aussi contre le vent et tentait de récupérer son chapeau emporté par son souffle. Reprenant ces esprits, Adam baissa de nouveau la tête et aperçut alors à ses pieds une rose noir. Ce n'était qu'une rose, pourtant sans raison apparente, son cœur s'accéléra.

Abritée par un parapluie tenu par l'un de ses hommes, elle assista à toute la scène. Elle monta dans la voiture et regarda les photos présentes dans une enveloppe.

- Il est l'heure...


- Maman ... Tu peux me lire une histoire s'il te plait ?!
- Non ma chérie ! Il est tard et demain est un grand jour pour toi. Tu dois être en forme.
- S'il te plait ... ! Tu sais bien que je n'arrive pas à dormir lorsqu'il y a de l'orage ...

Du haut de ses onze ans, bientôt douze, Célia essaie d'attendrir sa mère lui faisant les yeux doux et des petites grimaces avec ses lèvres. Elle est bien décidée à ne pas dormir de si tôt. Habituellement, Eliane, sa mère, ne se laisse pas avoir facilement, mais ce soir elle décide de faire une exception étant donné l'événement tant attendu de demain.

- Bon très bien ! Mais pas plus d'un chapitre et après tu dors !
- Oui promis ! Merci maman.

Célia sort alors un livre du tiroir de sa table de chevet pendant qu'Eliane, se dirige à la fenêtre fermer les volets claquant contre la vitre, emportés par le vent. Le ciel est noir recouvert d'épais nuages gris menaçants. Par moment, un flash crépite, accompagné quelques minutes plus tard d'une petite détonation terrifiant Célia à chaque apparition. C'est sa plus grande peur ; les orages. Eliane rejoint sa fille sur le bord du lit, la rassure et prend le livre. C'est un épais bouquin, portant l'odeur qu'ont les anciens livres et probablement abîmé par le temps lorsque l'on voit l'état de la couverture. Il n'a pas dû être emprunté depuis un petit moment, pense-t-elle, lorsqu'elle dépoussière quelque peu celle-ci. Dessus est représenté un grand personnage au dos courbé dégageant quelque chose d'inquiétant. Il est face à une grande porte ouverte qui laisse s'installer des jeux de lumières et apparaître deux petites ombres. Aucun titre, ni devant ni au dos du livre, pas même le nom de l'auteur n'y est inscrit.

- Où as-tu trouvé ce livre ? demande Eliane
- A la bibliothèque avec papa cet après midi. La dame m'a dit que j'étais très courageuse de prendre celui-ci mais qu'il était trèèès intéressant. T'as vu je grandis, je lis plus des trucs pour enfants !

Dubitative, Eliane commence tout de même la lecture du conte.

« Jadis, dans une forêt aux abords du petit village « Despair » vivait un monstre prénommé Pillz. Il était considéré ainsi par tous les habitants de son village. Il n'était pas méchant, simplement différent. Les habitants du village ne le considéraient pas comme l'un des leurs et il dû affronter chaque jour des moqueries, des insultes, des humiliations de la part des plus petits mais aussi des plus grands. Il est vrai qu'il n'était pas comme tout le monde, mais c'est ce qui rend les personnes intéressantes. Il avait la peau grise et son visage se distinguait des autres par ses yeux bleu-marine aux contours sombres très épais - comme s'il s'était maquillé. Ses lèvres aussi étaient noires. Ses cheveux sortaient également de l'ordinaire, des coupes que les habitants de « Despair » avaient. De la même couleur que ses yeux, ils donnaient l'impression d'être coiffés à l'aide d'un pétard ou d'être soumis à de l'électricité statique en permanence. Il n'avait que 4 doigts à chacune de ses deux mains et possédait une petite queue. Il n'était pas très grand ce qui faisait un peu plus ressortir ses rondeurs. Sa voix était très grave et si le silence se faisait on pouvait entendre les battements irréguliers de son cœur. Souvent, lorsque celui-ci s'emballait de trop, il n'arrivait pas à trouver le sommeil. Pourtant la fatigue ne semblait pas l'atteindre, comme si dormir n'était pas une nécessité pour lui. Il était vêtu d'une vieille chemise blanche, d'un jean noir décoloré et ne possédait pas de chaussures. Personne ne savait quel âge il avait. Il était arrivé au village presqu'un an avant le début de cette histoire, mais n'y est resté que quelques jours avant de rejoindre la forêt, là où personne n'osait s'aventurer, même pour chasser et où il était sûr de pouvoir vivre à l'abri des embêtements. Il n'avait aucun souvenir de ses parents et certaines personnes du village affirmaient même qu'il n'était qu'une création ratée d'un inventeur de passage l'ayant abandonné ici.

Cependant une personne ne le rejetait pas. Elle s'appelait Sayu. C'était le prénom de sa mère, d'origine japonaise, décédée lors de sa naissance. Elle habitait une petite maison, en face de la forêt abritant la cabane de Pillz. Du haut de ses 12ans elle avait un caractère affirmé et ne se laissait jamais marcher dessus. Lorsqu'auparavant Pillz se faisait embêter par les enfants du village, c'est elle qui le défendait. Ça à toujours été comme ça entre eux ; elle a toujours été là pour lui. Chaque soir après les cours et avant le retour de son père, elle faisait ses leçons avec lui, lui apprenant au passage à lire, écrire, compter. Elle lui apprenait à canaliser sa colère, à passer outre ces moqueries, à profiter de ses qualités et ses défauts faisant de lui quelqu'un d'unique, à prendre confiance en lui et à apprendre à faire confiance aux autres. Mais par-dessus tout, elle lui donna la chose la plus importante aux yeux de Pillz, son amitié.

Comme chaque mercredi, Pillz attendait Sayu à 14h devant le grand chêne. Elle n'avait jamais cours ce jour là. Ils en profitaient alors pour s'amuser : elle lui faisait des tours de magie appris par son grand-père, jouaient aux billes comme tous les enfants, partageaient une tarte au citron faite le matin même, dessinaient... Il avait un vrai don pour le dessin. Il lui suffisait de regarder quelques secondes une chose pour la photographier dans sa mémoire et la redessiner telle quelle. C'est ce qu'il fit avec Sayu. Il lui dessina un magnifique portrait que l'on pouvait aisément prendre pour une photo de loin tellement il était ressemblant. Elle l'accrocha au dessus de son lit, le remerciant par un baiser sur la joue. Le premier geste d'affection qu'on lui avait porté pour autant qu'il s'en souvienne.

Tous ces souvenirs s'enchainaient les uns après les autres, attendant qu'elle arrive. Il discutait aux animaux de la forêt avec lesquels il arrivait à communiquer. Les arbres imposant auxquels il leurs avait attribué chacun un nom, semblaient eux aussi prendre part à la discussion à leur façon. Pourtant ce jour là, Sayu n'est pas venue. Ni même le lendemain. C'était la première fois qu'elle ne venait pas sans qu'elle ne l'ai prévenu. Même lorsqu'elle était malade elle arrivait à lui faire savoir à l'aide de ses compagnons de la forêt. C'était sa seule amie et un lien très fort les unissait. Il hésita un moment avant de sortir de son refuge, redoutant les habitants du village et ce qu'ils pourraient lui faire. Néanmoins, il sentait que quelque chose n'était pas normale. Peut-être que son père avait découvert que tout les deux se voyaient en secret et qu'il lui avait interdit de sortir. Ou peut-être ... Pillz s'imagina bon nombre de scénarios possibles, vacillant entre heureux dénouement ou non. Il ne pouvait se résoudre à laisser ses peurs l'empêcher de savoir ce qui se passait. Prenant son courage à deux mains, il parcourra le chemin qui menait au jardin de la maison de son amie. Il devait passer sur un petit pont sous lequel les enfants venaient pêcher ou nager. La crainte de les rencontrer faisait battre son cœur à une allure folle que le silence n'était plus nécessaire pour l'entendre. S'approchant doucement et essayant de ralentir sa respiration, il constata avec étonnement que l'endroit était désert. Ne se posant pas de questions, il se mit à courir afin d'arriver plus rapidement. Une fois sur place et après quelques regards à droite et à gauche, il s'agrippa au rebord de la fenêtre de la chambre de Sayu. Tout était dérangé, comme si on avait fouillé chaque coin de la pièce sans se soucier du désordre causé. Le portrait de Sayu était déchiré. Surpris et inquiet pour son amie, il fit le tour de la maison et à chaque fenêtre, ne pouvait que constater le départ de celle-ci et de son père. Ne comprenant rien à ce qui se passait, il se risqua à s'aventurer dans le village. Il longea les murs, tremblant de tous ces membres. Tout était désolé, comme si les gens étaient partis en grande hâte. Les portes n'étaient pas fermées, et on pouvait apercevoir le désordre, le chaos qui y régnait comme si une tempête avait tout balayé sur son terrible passage. Il dû alors se rendre à l'évidence, tout le monde avait disparu, sans qu'il ne s'en rende compte et certainement pas de leur propre initiative. Déboussolé il resta assis sur le trottoir d'une rue. Qu'était-il arrivé ? Comment allait Sayu ? Pillz se torturait l'esprit à essayer de répondre à toutes ses questions pour lesquelles ils savaient très bien qu'il ne trouverait pas les réponses en restant ici. Le temps commençait à radicalement changer. Il s'assombrissait petit à petit, le vent soufflait de plus en plus fort emportant dans ces petits tourbillons tout ce qui se trouvait sur son chemin. La pluie venait elle aussi se mêler à ce sinistre tableau. Pillz regarda le ciel avec un regard encore plus noir que ce dernier. Il n'était sûr que d'une chose : il devait retrouver son amie. »

- Fin du premier chapitre ma chérie.

Eliane referme le livre et le pose sur la table de chevet.

- Qu'est-ce qu'il va faire à ton avis ? demande Célia.
- Tu le sauras demain. Maintenant il est l'heure de dormir !
- S'il te plait maman, lit moi un autre chapitre ...
- Non ! On avait dit...

Une violente détonation vient de secouer la maison et interrompit la discutions entre la mère et sa fille. L'orage n'est pas loin et semble se rapprocher de plus en plus. Célia se cramponne à sa mère ne voulant pas la lâcher.

- Ne t'en fais pas ma chérie, la maison est plus solide qu'une montagne et elle a déjà connu des orages plus violents. Endors-toi et pense à demain et à ce qui t'attend.
- ... Tu peux laisser la porte entre ouverte s'il te plait maman ?

Eliane dégage une mèche de cheveux du visage de sa fille, l'embrasse tendrement sur le front tout en la rassurant d'un jolie sourire.

- Bonne nuit ma future grande !
- Bonne nuit ma maman adorée !

Célia se tourne du côté de la fenêtre et de la tempête comme pour la défier et lui montrer qu'elle ne lui fait plus peur, même si les tremblements de sa couette la trahissent. En sortant de la chambre, Eliane ne ferme pas la porte entièrement, laissant ainsi passer un peu de lumière pour rassurer sa fille. Elle descend rejoindre son mari dans le salon. Célia compte les pas de sa mère dans l'escalier et arrivé au vingtième ferme les yeux.

Dans la chambre règne un calme impérial. Seule la respiration douce et lente de Célia empêche le silence de s'installer. Dehors l'orage gronde toujours autant et le vent donne l'impression de s'accrocher aux murs de la maison essayant par n'importe quel moyen d'y pénétrer afin d'y semer le désordre. Dans le couloir, la petite lucarne a été oubliée et laissée à moitié ouverte. Un courant d'air réussit à s'y infiltrer sans difficulté et se dirige doucement en direction de la chambre de Célia. L'air frais prend place dans la pièce, caressant sa peau et la faisant frissonner. Afin de se réchauffer, elle s'enfonce un peu plus dans ses draps tout en grelottant mais ne sait plus si c'est de peur ou de froid. La table de chevet et le livre ne sont pas non plus épargnés. La table se met à s'agiter et la couverture du livre puis les pages une à une se mettent à se tourner. A chaque page, les phrases sont mystérieusement remplacées par d'étranges dessins de trois couleurs différentes ; noir – blanc – rouge et représentant chaque action, chaque personnage de l'histoire. Le contour du livre s'illumine d'une couleur vive argentée. Célia ne peut ignorer cet étrange phénomène et sa curiosité devança sa peur. Elle sort la tête de ses draps, l'air frais à enveloppé toute la chambre. Elle ne peut qu'assister à ce spectacle. La page sur laquelle s'est arrêtée Eliane tout à l'heure vient d'apparaître. La table s'arrête aussitôt de trembler. Le livre ne s'illumine plus et les dessins se terminent. Ne sachant plus si c'est un rêve ou non, Célia ferme ses yeux une dizaine de secondes et les rouvre en examinant de tous les côtés sa chambre. L'air frais a disparus comme si jamais il n'était apparu. Célia s'avance près du livre et constate qu'une partie d'un dessin est caché par une sorte de poudre blanche. Elle l'essuie avec sa main afin de voir ce qu'il représente. C'est alors que jaillit de la page une grande lumière éblouissante qui s'éteignit presque instantanément. Durant ce laps de temps Célia disparut.

La pluie s'abat avec une telle rage que les rivières sont débordées. Les éclairs s'enchainent les uns après les autres, laissant apparaître quelques secondes plus tard des détonations de plus en plus violentes. Malgré l'entrainant balayage des arbres, l'air est lourd ! A tel point que l'on se sent écraser par son poids. Elle est là, au centre de cette scène, agenouillée par terre, tête baissée, les bras croisés, les cheveux ainsi que ces vêtements mouillés et tremblant de tout son corps. Elle n'ose pas lever la tête de peur de ce qu'elle pourrait voir. Ses larmes ce mêlent aux gouttes de pluie. Un craquement derrière elle la fait sursauter. L'oreille tendue tel un chat, le regard vide et apeuré, elle guette le moindre bruit.

- Maman !! Maman !!! J'ai besoin de toi Maman !

Sans réellement s'en rendre compte, Célia se met à crier. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas fait de cauchemar et elle ne sait plus comment faire pour s'en sortir. Sa mère venait à chaque fois l'aider à aller mieux en lui apportant une petite tasse de lait chaud avec un peu de miel dedans. Il faut juste qu'elle attende.

- Maman ! Mam...
- ... Ne crie pas elle ne viendra pas !

Une voix grave venant de derrière elle vient de la couper. Célia se retourne et cherche désespérément d'où provient la voix. Elle se tourne et retourne à s'en rendre malade. Elle n'arrive plus à crier. C'est alors que sortit d'un côté de la forêt un étrange personnage. Ces yeux sont les premières choses qu'elle arrive à distinguer. Elle pouvait lire la même chose que dans les siens, de la peur, avec pourtant une autre émotion cachée, plus terrifiante celle-ci.

- Je ne te veux pas de mal...
- Qui...qui es-tu ? Et j'suis où ?? Qu'est-ce qui se passe ?
- Je m'a... je m'appel Pillz et tu es chez moi ! ... Et ce qui c'est passé est trop long à t'expliquer.
- Pillz ? Non ! Non non, ce n'est pas possible ! Tu n'existes pas ! tu n'es qu'un personnage d'un vieux livre ! Je suis juste dans un mauvais rêve !
- Je n'existe pas ? Chez toi peut-être, mais ici... tout est réel ! C'est mon monde et de nous deux la personne qui ne devrait pas exister... c'est toi !

Célia ne comprend plus rien à ce qui lui arrive. Elle secoue la tête sans arrêt n'acceptant pas ce que cet étrange personnage lui raconte. Ce n'est pas possible, pense-t-elle. Ce n'est qu'un livre, ce n'est pas réel ! Pourtant les gouttes de pluie, la chaleur, même l'odeur de la forêt... tout ne lui a jamais paru aussi vrai.

- Si tout ceci est vrai pourquoi je suis là ?! Comme tu l'as dis, ma place n'est pas ici !
- C'est moi qui t'ai fait venir ...
- ... Mais pourquoi ?
- Je te l'ai dit c'est trop long à expliquer mais tu dois m'aider ... !
- Non ! Je ne bougerais pas d'ici et je ne t'aiderais pas tant que tu ne m'auras pas dis ce que je fais ici !

Célia commence à passer au niveau supérieur de la peur, la colère. Son caractère naturel prend le dessus et s'en charge parfaitement. Elle ne s'est jamais laissée faire et même si au fond d'elle, elle est terrorisée et que du haut de ses futurs douze ans elle sait qu'elle ne ferait pas long feu face à ce prénommé Pillz, il est hors de question pour elle qu'on lui dicte ce qu'elle a à faire. Face à cette réaction, Pillz ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire qui pourrait plus s'apparenter à une grimace.

- Mais qu'est-ce que je t'ai fait ? Et pourquoi tu souris ? T'es un psychopathe et tu veux me tuer c'est ça ? Je n'ai pas peur de toi !
- Ta voix montre le contraire ! Mais ne t'inquiète pas je te ne veux aucun mal, je te l'ai déjà dit.
- Mouais ... Tu m'excuseras si je ne te crois pas hein !
- Je ne me suis pas trompé ! Tu es exactement comme elle ! Vous avez le même caractère. Vous pourriez être sœurs.
- De qui tu parles ?
- De mon amie Sayu ... Si je t'ai fait venir ici c'est pour que tu m'aides à la trouver. Je n'ai ...

Pillz n'eut pas le temps de terminer sa phrase, Célia s'écroula par terre. Elle est trempée jusqu'au os et n'est habillée que d'une chemise de nuit. Son corps entier est recouvert de boue et la pluie, le vent ne cessent d'accroitre leurs forces autours d'elle. De plus, la fatigue et la peur s'accumulant en elle, Célia n'a pu résister plus longtemps. Son visage semble pourtant étrangement apaisé. Pillz s'approcha d'elle doucement. Ses yeux semblent exprimer un sentiment de regrets mélangé cependant encore une fois à cette sombre émotion encore inconnue.

- Je suis désolé... d'avance ! Pour tout ...


"L'amour peut vous tomber dessus lors d'un moment des plus inattendus. Cependant, il se peut qu'à ce moment, il vous fasse plus de mal que de bien ..."


Dernière boutique au fond à droite, d'une rue plutôt sinistre et n'étant éclairé que par un vieux lampadaire. Cette boutique a pour nom « Black Light » Une lettre sur trois seulement s'illumine encore. Après un rapide coup d'œil derrière son épaule et un temps d'hésitation, il ouvra la porte. Même la petite clochette au dessus de celle-ci ne faisait plus son travail. C'était une petite boutique avec une arrière salle. Un guichet vide était éclairé nerveusement. Jamais un magasin n'avait aussi bien porté son nom. Il actionna la petite sonnerie du guichet et attendait. Une voix grave le fit sursauter.

- Que puis-je faire pour vous ?
- Hum... voila j'aimerais enlever ceci. Vous voyez ?! D'où je suis, je ne vous vois pas.
- Oui oui je vois très bien.
- Pensez-vous que ce soit possible ?
- Ici tout l'est. Veuillez patienter et remplissez le formulaire devant vous en attendant.


Une feuille, qui n'était pas là à son arrivée l'attendait sur le comptoir du guichet. C'était un formulaire obligatoire à remplir dans lequel certaines informations sont demandées et qui en cas de problème, déclare que la personne était consciente des risques et qu'elle les a acceptés. Jamais il ne s'était senti aussi apaisé, de façade en tout cas. Il feuilleta aussi le catalogue à côté. Il devait faire un choix pour remplacer ce qu'il était venu enlever. Il y en a pour toutes les gammes, tous les prix, tous les goûts... Il sélectionna celui qui lui semblait le plus approprié. Il prit son portable, fixa le fond d'écran un instant, leva les yeux, respira un bon coup et le referma. La voix de toute à l'heure refit son entrée. Cette fois-ci, il pouvait distinguer son visage. C'était un homme d'une soixantaine d'années environs, cheveux gris, le visage respirant la sincérité, la confiance, l'empathie. Il était habillé d'un beau costume gris recouvert d'un tablier, portait des gants en latex et un masque autours du cou.

- Je suis prêt nous pouvons commencer. Mais avant et veuillez m'en excuser je suis très curieux, j'aimerais savoir ce qui vous pousse à vouloir vous faire enlever cela. J'aime bien connaitre un peu mieux mes clients avant de commencer.
- Oui bien sur. Vous savez c'est une histoire semblable à pleins d'autres et vous l'avez surement déjà entendu plus d'une fois mais de manière différente. Jusqu'à hier tout allait bien, il n'y avait jamais eu d'ambiguïté, tout était clair et pour rien au monde je ne voulais que cela change. Pourtant du changement il y en a eu. Un grand même. Nouvelle année, nouvelle vie, nouvelles envies... Et là, il s'est mit à n'en faire qu'à sa tête. Il est devenu incontrôlable et s'est mis à entrainer tout le reste avec lui. Je ne savais plus quoi faire, je ne veux pas ça, enfin je crois... Dans tout les cas mon choix est fait. Je sais que si je le laisse faire, tout ça ne me mènera à rien si ce n'est à de la souffrance. C'est écrit en gros depuis le début, quand tout les deux* avons signés ce contrat virtuel : IMPOSSIBLE. A mon grand regret je dois l'avouer... finalement. Et ce matin je suis tombé sur votre publicité dans un magazine et je n'ai pas hésité une seconde, vous êtes celui qu'il me faut.
- Je vois... Mr Marcks, c'est ça ? ça me rappel un cas que j'ai eu cet après midi même. Comme quoi il y a des jours... Et avez-vous choisit le modèle de remplacement ?
- Oui ! Je prendrais le cœur de pierre n°13 de la page 48... C'est l'un des meilleurs d'après votre catalogue.
- Oui excellent choix ! Vous allez rire mais la cliente dont je vous parlais a elle aussi choisis le même modèle et elle en avait l'air satisfaite, malgré sa triste mine...


[Quelques heures plus tard]

- Tout est fini monsieur. Garder ce pansement jusqu'à ce que vous rentriez chez vous et changer le ensuite. Faite cela 2 fois par jours, durant une semaine. Votre cicatrice ne se verra même pas.
- Merci beaucoup. J'ai l'impression de me sentir déjà mieux, vous faites des miracles.


Il ouvra son portable et recommença à fixer son fond d'écran. La nostalgie ou des regrets peut être venait se mêler à son regard.

- Ho je vois sur votre formulaire que l'une des raisons de votre venue ici se prénomme : Oriana. Ce n'est pas un prénom très commun et si je me souviens bien, la cliente de cette après midi ce prénommais... laissez moi chercher un peu...
- Oriana Miles ?
- Oui c'est exact. Maintenant que j'y repense, son histoire ressemblait à s'y m'éprendre et à quelques mots près à la votre. Elle avait l'air très peiné d'en arriver là. Sur son formulaire elle a mis comme raisons de sa venue : Eliot. Peut-être que tout ceci n'est qu'une coïncidence... mais comment vous appelez vous ? Excuser encore mon indiscrétion, c'est mon plus gros défaut je dois l'admettre.
- ... Eliot Marcks ...
- Hoo ...